Interview de François  Roth : Vatea - Une résidence augmentée répondant au besoin de flexibilité des logements

François, pourriez-vous nous parler de la genèse du projet Vatea et comment cette résidence s'inscrit dans la stratégie globale de Colonies pour promouvoir un mode de vie écoresponsable?

La résidence Vatea a été pensée pour minimiser son empreinte environnementale grâce à une approche systémique de mutualisation des ressources. Les équipements – électroménager, mobilier, espaces communs tels que salle de sport, sauna, coworking ou laverie – sont partagés entre les résidents. Cette logique permet de réduire significativement le gaspillage énergétique tout en investissant dans du matériel professionnel, plus performant, plus durable, et moins souvent remplacé que de l’équipement grand public.

Les logements individuels, volontairement compacts, sont enrichis par des espaces de coliving spacieux et qualitatifs : cuisines partagées, salons communs, lieux de rencontre. Ce modèle permet d’optimiser la surface sans sacrifier le confort ni la qualité de vie.

Comment Vatea a-t-elle été conçue pour répondre aux besoins spécifiques de la population de l'Eurodistrict Trinational de Bâle, notamment les travailleurs transfrontaliers et les étudiants?

Étant moi-même originaire d’une région frontalière, près du Luxembourg, je connais bien les dynamiques spécifiques à ces territoires : une forte attractivité économique, notamment pour les jeunes actifs, mais un déséquilibre marqué du côté du logement, avec des loyers souvent prohibitifs ou des déplacements contraignants.

Nous avons conçu Vatea pour offrir une alternative à ce dilemme : plutôt que de choisir entre un logement très cher au centre de Bâle ou de longs trajets quotidiens, nous proposons une solution hybride et optimisée. Alors qu’un studio à Bâle coûte environ 2 000 francs suisses par mois, Vatea propose des logements à partir de 850 € avec un niveau de confort, de design et d’équipements bien supérieur à la norme.

La résidence est parfaitement connectée : le centre-ville de Bâle est accessible en 20 minutes en tram ou à vélo, et les grands campus pharmaceutiques sont atteignables en 10 à 15 minutes. Cela permet aux résidents de profiter à la fois d’un logement abordable et d’un cadre de vie qualitatif, sans sacrifier leur temps ou leur confort.

Nous avons également veillé à inscrire Vatea dans son territoire, en collaboration étroite avec la mairie de Huningue, et en lien avec la dynamique urbaine du quartier, qui accueille de nouveaux commerces, un hôtel et d’autres services. L’objectif est que nos 200 résidents s’intègrent pleinement à la vie locale, tout en y apportant leur énergie.

Enfin, parce que nous anticipons une population majoritairement composée d’expatriés et de nouveaux arrivants, nous avons mis l’accent sur des espaces communs généreux – salle de sport, sauna, coworking – pour favoriser la rencontre, la création de liens, et répondre au besoin de socialisation de personnes souvent déracinées.

Quelles innovations écologiques ont été intégrées dans la conception de Vatea et comment ces éléments contribuent-ils à réduire l'empreinte carbone de la résidence?

Sur le plan du design intérieur, nous avons privilégié du mobilier durable, fabriqué à 80 % en France ou en Europe, avec 91 % de bois certifié FSC, 99 % de tissus Oeko Tex, et 10 % de matériaux recyclés. Plusieurs pièces maîtresses ont été éco-conçues localement pour aller encore plus loin dans la réduction de l’impact environnemental.
Le bâtiment affiche une performance énergétique de niveau A, grâce à une isolation renforcée, un système de pompe à chaleur, et des équipements économes en eau, comme des douches limitées à 7 litres par minute – bien en deçà des standards habituels.

Enfin, Vatea incarne également une innovation sociale : en favorisant la vie en communauté et la flexibilité d’occupation, elle contribue à lutter contre l’isolement et propose un mode de vie durable, inclusif et économiquement attractif dans une région où les loyers sont particulièrement élevés.

En tant que cofondateur de Colonies, comment percevez-vous l'évolution du marché du coliving, et comment des projets comme Vatea influencent-ils cette évolution?

Le terme « coliving » est aujourd’hui de moins en moins utilisé, au profit de notions comme « résidence gérée » ou « habitation augmentée ». Ce glissement sémantique reflète une transformation plus large du marché : il ne s’agit plus seulement de vivre ensemble, mais d’offrir une réponse moderne à une demande croissante pour des logements de qualité, bien situés, bien conçus, et surtout flexibles.

Les parcours de vie sont de plus en plus fragmentés : les carrières changent fréquemment, les formes d’emploi se diversifient (CDD, freelancing, alternance, entrepreneuriat, études longues), et la mobilité professionnelle devient la norme. Face à cela, l’offre locative traditionnelle en Europe est largement inadaptée : elle repose sur des critères rigides (CDI, ancienneté, solvabilité) alors que l’accès au logement devient de plus en plus difficile. Cette tension, que nous observons depuis bientôt dix ans, s’est encore aggravée ces dernières années.

La crise du Covid a également profondément transformé les usages. Le télétravail s’est généralisé, et aujourd’hui, une part significative de nos locataires travaillent depuis leur logement, parfois à plein temps. Cela nous a poussés à repenser nos espaces communs : autrefois centrés sur la convivialité, ils sont désormais pensés pour être multifonctionnels, capables d’accueillir tour à tour du travail, des échanges sociaux, du repos ou des événements.

Par ailleurs, la typologie des usagers a évolué. Si nos premières résidences s’adressaient principalement à des étudiants et jeunes actifs, nous constatons aujourd’hui un vieillissement progressif de notre base locataire, avec davantage de professionnels confirmés, de « digital nomades » ou de personnes en double résidence. Par exemple, quelqu’un vivant à Marseille ou Zurich peut choisir Vatea comme pied-à-terre à Bâle, préférant cette solution à l’hôtel pour son confort, son aspect clé-en-main, mais aussi pour l’ancrage communautaire qu’elle permet.

Des projets comme Vatea incarnent donc cette nouvelle génération d’habitat urbain : souple, inclusif, abordable, et résolument en phase avec les modes de vie contemporains.

Avec une offre de logements à partir d'un mois, quels défis et opportunités cette flexibilité présente-t-elle pour les résidents de Vatea?

Colonies reste avant tout un acteur du résidentiel : nos locataires signent de véritables baux d’habitation, et nos résidences ont vocation à être des résidences principales. Mais nous avons pleinement intégré les évolutions des parcours de vie, de plus en plus hachés, discontinus, avec une forte demande de flexibilité.

L’un des grands atouts de notre modèle est de proposer un loyer de marché, économique au regard de la qualité du logement et des services offerts, sans exiger d’engagement contraignant. Là où, par exemple, un bail en Suisse impose souvent un engagement long (6 mois, voire 1 an), nous offrons la possibilité de ne rester qu’1 mois, sans surcoût, tout en conservant les avantages d’un logement pérenne, stable, non meublé à la nuitée.

Concrètement, un résident peut signer un bail chez nous et poser son préavis dès le lendemain. Il bénéficie ainsi d’un hébergement flexible, au vrai prix du marché, sans la volatilité et les surcoûts associés aux solutions type Airbnb ou à l’hôtellerie.
Sur le plan opérationnel, cette flexibilité n’est pas un obstacle pour nous. Nous nous implantons dans des zones à forte tension locative, où la demande reste élevée. Cela nous permet de maintenir un taux d’occupation performant tout au long de l’année, même avec une rotation plus dynamique de nos résidents.

Pouvez-vous nous expliquer l'impact social de Vatea, notamment en ce qui concerne le renforcement des liens communautaires parmi les résidents?

Les résidences Colonies, dont Vatea est un exemple emblématique, sont conçues pour favoriser des liens communautaires solides, tout en respectant pleinement la sphère intime de chacun. Chaque résident dispose de son espace privé : salle de bain individuelle, frigo personnel, et souvent kitchenette ou cuisine privative. L’idée est simple : la communauté ne s’impose pas. Elle est proposée, jamais forcée.

Nous avons structuré les espaces communs en deux niveaux :
• les espaces semi-privés, partagés par petits groupes de 6 à 7 personnes, recréent l’intimité d’une grande colocation ou d’un foyer familial ;
• les super-espaces communs, accessibles à l’ensemble des résidents, incluent une salle de sport, une salle de cinéma, un espace de coworking modulable, une laverie, un sauna, et de vastes terrasses extérieures.

Ce qui fait la différence, c’est le sentiment d’appropriation : ces lieux ne sont pas perçus comme des espaces publics ou impersonnels. Ils sont vécus comme des extensions naturelles du chez-soi. Il n’est pas rare de voir des résidents laisser leur ordinateur portable ou leurs affaires personnelles dans les espaces communs en toute confiance, ou sortir de leur chambre en pyjama pour prendre un café – ce qui serait impensable dans un hôtel.

La dynamique communautaire est également renforcée par la présence d’un responsable de résidence, chargé de la vie collective. Il ne vit pas sur place, mais passe quotidiennement, anime la résidence, organise des événements (comme Noël, Pâques, soirées sportives), et facilite les échanges.

Enfin, de nombreuses interactions émergent spontanément : des groupes WhatsApp sont souvent créés dès l’arrivée d’un nouveau résident, permettant de coordonner les tâches partagées, se retrouver pour un dîner ou organiser un moment convivial. Vatea, comme d’autres projets Colonies, devient ainsi un lieu de vie où se crée naturellement un esprit de communauté.

Quelles sont les prochaines étapes pour Colonies après l'ouverture de Vatea, et comment envisagez-vous de promouvoir davantage l'urbanisme durable dans vos futurs projets?

Chez Colonies, notre ambition reste intacte – voire renforcée – neuf ans après notre création. Nous constatons chaque jour à quel point notre modèle répond à une tendance de fond. Il ne s’agit pas d’un marché de niche : tout le monde, à un moment de sa vie, peut avoir besoin d’un logement locatif clé en main – pendant ses études, lors d’une mobilité professionnelle, ou après une rupture personnelle. Le besoin est universel, et notre solution s’y adapte.

Notre volonté pour les années à venir est d’élargir notre offre à de nouveaux publics. Cela signifie concevoir des logements plus variés – y compris des appartements pour couples, familles ou seniors – tout en conservant les fondamentaux qui font notre force : des loyers accessibles, des espaces mutualisés, et une vie collective facilitée par le design du bâtiment.

En matière d’urbanisme durable, notre modèle s’inscrit dans une réponse très concrète à la crise du logement dans les grandes métropoles européennes. Nous contribuons à la densification vertueuse des villes, en refusant l’artificialisation des sols et en proposant une manière plus intelligente d’utiliser l’espace urbain. Grâce à la mutualisation, nos résidences permettent à chacun d’accéder à de vastes surfaces partagées, tout en maintenant une empreinte au sol modérée et une efficacité énergétique optimale.

Un autre axe fort de notre développement est la reconversion de bâtiments obsolètes. De nombreux immeubles de bureaux vieillissants ne trouvent plus preneur dans leur usage initial, et leur transformation en logement classique est souvent économiquement ou techniquement irréaliste. Notre modèle, plus souple, permet d’optimiser ces surfaces, notamment en utilisant des espaces non standards pour des usages communs, et en maximisant leur potentiel via la mutualisation.

Enfin, nous continuerons à défendre un urbanisme sobre, réversible et humain, qui concilie l’accessibilité du logement, la durabilité environnementale et la création de lien social. Colonies souhaite ainsi être un acteur engagé de la ville de demain, à la fois innovant, inclusif et responsable.

Pour plus d'informations : https://www.livecolonies.com/

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